Le 25 mars 2021, la Grèce fête le bicentenaire de sa guerre d’indépendance contre les Ottomans. La Révolution grecque de 1821 fut marquée par le soulèvement armé mené par les grecs rebelles contre l’armée ottomane dans le but de de créer un État grec indépendant, après une longue occupation de 400 ans environ.
Cet article va retracer en quelques lignes une période de 4 siècles et décrire comment était la vie des grecs pendant la période de l’occupation Ottomane, les lumières grecques modernes inspirées par la révolution américaine et la révolution française, la contribution de Filikí Etería et des Philhéllines, le début de la guerre contre les Ottomans, la guerre civile entre les grecs et le comportement de la Sainte-Alliance jusqu’à la création de l’état grec indépendant.
La Grèce pendant la période Ottomane
La fin de l’empire byzantin et la conquête de la terre byzantine commença par la bataille de Mantzikert en 1071 par les Ottomans. La chute de Constantinople en 1453 par Mehmed II fut l’événement le plus important qui marqua la fin de l’empire byzantin. Quelques années plus tard, toute la Grèce telle que nous la connaissons aujourd’hui était sous l’occupation des Ottomans, à l’exception des îles ioniennes.
L’état ottoman était de nature théocratique, dirigé par le sultan au sommet du gouvernement de l’empire. Le Coran était la principale contrainte sur le pouvoir absolu du sultan et le statut de ses sujets était fondé sur la loi islamique. Les non-musulmans, considérés comme des personnes secondaires pendant leur vie quotidienne, étaient strictement séparés des musulmans. Ils vivaient dans des quartiers différents au sein des mêmes villes et n’étaient pas libres de se mêler à la société musulmane ou de s’impliquer de manière significative dans la vie spirituelle des musulmans. Jusqu’au milieu du 18e siècle, les non-musulmans étaient soumis à un certain nombre de restrictions, allant de leur apparence jusqu’à leur comportement envers les musulmans.
Administration et fiscalité
L’administration ottomane des provinces se caractérisait par deux fonctions principales : un rôle militaire et un rôle financier en tant que percepteurs d’impôts. L’organisation militaire était féodale et la cavalerie entièrement ottomane. Les Ottomans appliquaient le système du millet, séparant les populations de l’Empire ottoman en fonction de leur religion.
La fiscalité de l’administration ottomane, lourde, comprenait le pédomazoma, la « provision pour enfants ». Les Ottomans exigeaient qu’un enfant de sexe masculin sur cinq dans chaque famille chrétienne soit emmené loin de la famille dans le corps des janissaires pour une formation militaire dans l’armée du sultan.
Le réveil de la conscience nationale des grecs remonte à la fin de la période byzantine, entre le XIIIe et XVe siècle. Mais le début du mouvement qui a conduit à la Révolution apparaît plusieurs siècles plus tard lors de la phase de maturité des Lumières grecques modernes, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Pendant cette période, l’idée de l’existence d’une nation grecque associée à la Grèce antique avec une existence politique distincte naît chez les grecs qui vivaient en Europe occidentale.
Lumières grecques modernes
Les grecs émigrés et les marchands se trouvèrent à partir du milieu du XVIIIe siècle en contact avec les idées des Lumières qui se développaient en Occident et qui se concrétisèrent dans la Révolution américaine et la Révolution française. Ces personnes formaient petit à petit la classe bourgeoise qui était le vecteur des idées des Lumières et de la révolution. Les ouvrages et les idées se diffusaient peu à peu sur le territoire grec. On peut citer comme chefs de file des Lumières grecques Rigas Féréos et Adamantios Korais.
Rigas Féréos ou Rigas Valestinlis fut le symbole principal de ce phénomène. Issu d’une famille aisée, influencé par les idées de la Révolution française, il rédigea des œuvres au service de la démocratie et de l’indépendance des peuples opprimés par les Ottomans. Les deux ouvrages les plus connus de Rigas Fereos sont le Thourios et la Nouvelle Constitution Politique.
Adamantios Korais (Adamance Coray) était un érudit grec qui participa à la renaissance grecque. Korais était le pionnier de la philologie grecque moderne.
Filiki Eteria, la Société des Amis
En 1814, trois marchands radicaux de la classe moyenne, Nikólaos Skoufás, Athanásios Tsákalov et Emmanuel Xánthos, fondèrent la Filikí Etería à Odessa, en Russie. Filikí Etería fut une organisation secrète et illégale inspirée de la franc-maçonnerie, ayant pour but de rassembler des ressources et de créer des structures pour la déclaration de la révolution et la création d’un état indépendant. Contrairement aux nombreux soulèvements qui eurent lieu pendant la domination ottomane dans la zone grecque occupée, liés aux plans politiques des grandes puissances européennes, la révolution planifiée par les Amis devait être une révolution autonome des Grecs.
Elle a connu des débuts difficiles, tant sur le recrutement que sur le plan financier. Les membres de Filikí Etería n’ont pas réussit pas à convaincre Ioánnis Kapodístrias d’en prendre en tête. Alexandre Ypsilántis accepta enfin de la diriger en avril 1820.
Elle a joué un rôle fondamental dans la préparation et le déroulement de la guerre d’indépendance grecque. À l’initiative de la Filikí Etería, le soulèvement s’est déclenché dans les principautés de Moldavie et Valachie ainsi que dans le Péloponnèse. Le 13 janvier 1822 , l’indépendance grecque fut proclamée par l’Assemblée nationale réunie à Épidaure. Quinze jours plus tard, le drapeau de la Filiki Eteria était remplacé par le drapeau grec bleu et blanc.
Début de la Révolution
Selon certaines sources, c’est le 25 mars 1821, au cours d’une proclamation religieuse rituelle de la Révolution que le métropolite de Paleon Patron Germanos a béni les révolutionnaires rassemblés et a hissé le drapeau de la Révolution dans le dôme de l’Église historique de l’Aghia Lavra à Kalavryta, au nord du Péloponnèse.
Batailles et héros
Les premiers combats ont commencé dans le Péloponnèse dès janvier 1821, où les forces grecques (qui consistaient essentiellement des klephtes) étaient plus organisées qu’en Grèce centrale et Grèce du nord où les forces étaient plus dispersées.
Les combats furent nombreux et durèrent de longues années (1821-1827). Parmi les batailles les plus connues figurent la bataille d’Alamana, de Valtetsi, la chute de Tripolizza, le massacre de Chios, la bataille de Dervenakia, le massacre de Psara ou encore l’Exodos (la sortie des assiégés) de Missolonghi. Les héros et héroïnes étaient nombreux et pas tous connus, encore de nos jours. On peut citer Theódoros Kolokotrónis, Yánnis Makriyánnis, Petróbey Mavromihális, Màrkos Bótzaris, Konstantínos Kanáris, Athanásios Diákos, Laskarína Bouboulína, Mantó Mavrogénous, Papaphléssas, Andréas Miaoúlis, Geórgios Karaïskákis, Geórgios Kountouriótis, Aléxandros Ypsilántis, Dimítrios Papanikolís, Kítsos Tzavéllas, Nikitarás, Odysséas Androútsos, Aléxandros Mavrokordátos, Ioánnis Koléttis, Elisávet Ypsilánti etc.
Philhellénisme
Le terme « Philhellinas » (de filos, ami et hellin, grec) désigne ceux qui ont un amour pour les grecs et tout ce qui touche à la Grèce comme la littérature, la culture etc. En grec moderne, le terme Philhellénisme a été établi pour désigner les étrangers qui ont montré des sentiments amicaux envers la Grèce avec un soutien moral et/ou matériel, avant la Révolution et principalement pour la lutte d’indépendance de 1821.
Pendant cette période difficile, les grecs recevèrent l’aide de nombreux volontaires étrangers, plutôt européens, les Philhellènes, tels que Lord Byron , le colonel Charles Nicolas Fabvier, Victor Hugo, François-Réné de Chateaubriand, Sophie de Marbois, Maxime Raybaud, Alexandre Pouchkine, Thomas Gordon, Friedrich Thiersch, George Finlay, Friedrich Hölderlin, Heidegger, Santorre de Santa Rosa, Frank Abney Hastings, Friedrich von Schiller, Percy Bysshe Shelley, Louis Ier (roi de Bavière), Jean-Gabriel Eynard, George Jarvis, Maurice Persat, Henrik Nikolai Krøyer…
Première Proclamation de l’Indépendance Grecque
Le 12 janvier 1822 eut lieu l’Assemblée nationale d’Épidaure qui proclama l’indépendance de la Grèce, vota une constitution et adopta le drapeau bleu et blanc.
La Sainte-Alliance
Lorsque la révolution commença en Grèce, les grandes puissances étaient déjà occupées par les révolutions de l’Espagne et de l’Italie, et la révolution grecque était indésirable. Le chancelier autrichien Metternich, mécontent de la nouvelle de la révolution, tenta de persuader le tsar russe de prendre position contre les Grecs. Metternich, comme d’autres puissances, craignait que l’implication de la Russie dans une guerre contre l’Empire Ottoman puisse changer l’équilibre en Europe, car elle renforcerait la Russie et l’amènerait en Méditerranée.
La Grande-Bretagne eut l’attitude la plus négative à l’égard de la révolution au cours de sa première année. Elle espérait sa répression rapide avant que la Grèce ne passe sous la protection de l’empereur russe Alexandre.
Bien que les grecs aient remporté les victoires au cours de ces deux premières années, il arrêtèrent de se battre contre les Ottomans et commencèrent à se battre entre eux. S’ensuit deux guerres civiles en 1823-1825 avec des divisions et des conflits principalement pour le partage le pouvoir, ce qui facilita la tâche à la Sainte-Alliance.
Le comportement et les actions des Ottomans comme le massacre de Chios ou la déportation de grecs en Égypte renforcèrent la vague de Philhéllenisme, ce qui amena la Sainte-Alliance à vouloir intervenir. La Russie voulait affaiblir l’empire Ottoman et être solidaire des grecs orthodoxes. La Grande-Bretagne, dès lors que Canning succéda à Castlereagh, changea un peu sa politique envers la révolution grecque. De plus elle ne pouvait pas rester neutre si elle voulait rester présente diplomatiquement dans les régions balkaniques. La France avec Charles X voyait comme obligation morale d’aider les grecs.
L’indépendance
La Grèce obtint son indépendance de l’Empire Ottoman avec un protocole signé à Londres le 22 janvier 1830 entre la Grande-Bretagne, la France et la Russie. L’article premier du Protocole stipule que « la Grèce est un État indépendant et jouit de tous les droits, politiques, administratifs et commerciaux, qui sont liés à la pleine indépendance ». Les premières frontières de l’État grec indépendant, telles que définies par le Protocole, connu sous le nom de «Protocole d’indépendance», étaient les rivières Aspropotamos (Acheloos) à l’ouest et Sperchios au nord.
Le premier gouverneur de la Grèce (décidé à l’Assemblée nationale de Trézène) fut Ioánnis Kapodístrias de janvier 1828 jusqu’à son assassinat à Nauplie, le 9 octobre 1831. Les trois puissances choisirent Othon de Wittelsbach, le fils du roi de Bavière, pour devenir le premier roi des grecs sous le nom Othon Ier de Grèce. C’est lui qui désigna en 1838 l’anniversaire du début de la Révolution, le 25 mars, comme fête nationale de la Grèce.